Xavier Canonne, de l’autre côté du miroir.

Portrait - Xavier Canonne © Ingrid Hulsmans

Xavier Canonne, cela fait un peu moins d’une vingtaine d’années que je le croise dans les couloirs du musée de la photographie à l’occasion d’un vernissage, d’un événement, d’une conférence…

Je le savais professeur aimé de ses élèves, orateur, défenseur avec ferveur de ce qui l’anime, amoureux du surréalisme… mais je ne le savais pas lui-même artiste jusqu’à ce que Leslie Leoni me révèle tel un secret précieux, que la dernière exposition sur les collages chez Brock’n’Roll mettra Xavier Canonne à l’honneur. Elle me montre quelques unes de ses oeuvres qui seront exposées. L’humour que j’y trouve et la grande poésie qui se dégage des quelques collages qu’elle me présente me touchent. L’occasion rêvée pour rencontrer le directeur du Musée de la Photographie de Charleroi.

“Entretemps”

C’est le titre donné à l’exposition qui rassemble les collages et assemblages de Xavier Canonne. “S’il est sur les murs de Brock’n’Roll, c’est que j’aime la subtilité, le surréalisme et le côté ludique qui se dégagent de son travail” nous confesse Leslie Leoni.

L'Arlésien, 2015 - © Xavier Canonne

L’Arlésien, 2015 – Xavier Canonne

Les collages sont plutôt un passe-temps pour Xavier, un passe-temps qui s’est naturellement imposé à lui. Ce qu’il aime dans cette discipline c’est son immédiateté. Si un collage n’est pas terminé, ce n’est pas grave, il peut attendre. Il n’y a pas d’urgence. Et une fois fini, il revient très souvent en arrière, le garde ou le jette car, nous explique- t-il. “Le collage est un art extrêmement facile dans le sens ou l’on peut s’installer en 5 minutes sur un coin de table et réaliser le collage en deux temps trois mouvements mais cette facilité peut être dangereuse car l’on peut très vite se complaire et tomber dans la facilité.”

Dans ses collages, il essaie de créer des situations. Il aime aussi “l’idée” magritienne de peu d’éléments, de quelque chose qui présente une efficacité visuelle.

” Quand je prends la petite sirène de Copenhague et que je la mets devant la montagne, je ne change presque rien, mais je garde ce sentiment de solitude que je ressens. Je ne sais pas pour le spectateur mais moi, cela me fait rire. Je vais rigoler un peu en faisant ce collage, mais je vais être triste aussi pour cette sirène qui est seule devant les nuages de la montagne, une mer de nuages.”

Les congés payés, 2002 - © Xavier Canonne

Les congés payés, 2002 – Xavier Canonne

Pour Xavier Canonne, si l’image est importante, son titre l’est tout autant et il prend un soin tout particulier à choisir les mots justes qui colleront à son image.

Le déclic surréaliste qui l’a mené au collagisme

Le surréalisme, Xavier Canonne est tombé dedans quand il était petit. Son père, bibliothécaire aux Arts et Métiers de La Louvière, fréquente le poète surréaliste Achille Chavée. Xavier a environ 8 ans quand le poète décède. Il a coutume de dire en riant “Chavée m’a bien connu, mais pas le contraire”.
La deuxième fois qu’il approche le surréalisme pendant son enfance, c’est lorsque ses grands-parents l’emmènent à une exposition d’Armand Simon. Cependant, les dessins un peu tortueux de l’artiste ne lui laissent pas un souvenir impérissable.

Le vrai déclic survient lors d’une exposition au Grand Hornu en 74, organisée par le Ministère de la Culture et intitulée “Miroir de l’irrationnel”.
“L’exposition regroupait des quantités d’oeuvres qui ne m’avaient pas emballé mais, au milieu de tout cela, il y avait deux ou trois oeuvres de Marcel Mariën qui étaient à “tomber par terre” et qui m’ont complètement marqué. Elles provenaient de la série des Mondrianités. Ce sont des tableaux de Mondrian – abstraits donc – sur lesquels Marcel Mariën y avait mit des cuillères, des fourchettes… qui disparaissaient derrière les formes et les couleurs des tableaux. J’avais trouvé fabuleux que l’on puisse mettre des objets sur une toile sans les représenter, les peindre, c’est-à-dire de faire passer cette paire de lunettes du plan de l’utilité vers un plan plastique. En rentrant chez moi le lendemain, j’ai collé des choses n’importe comment, au hasard, sur une planche de bois. “ nous raconte Xavier Canonne. De là nait véritablement sa curiosité pour le surréalisme. Lorsqu’il est en vacances chez sa grand-mère, il passe souvent en vélo devant les grilles de la maison d’Armand Simon et parfois, il a la chance de lui parler. “Cet espèce d’ermite qui dessinait toute la journée m’intriguait” . 

Ce sera la découverte d’un grand ami de Chavée et d’Armand Simon, le poète belge Fernand Dumont, mort dans un camp de concentration à l’âge de 39 ans qui va lui ouvrir les portes des surréalistes belges et ce, au sens propre. Xavier Canonne trouvait dommage que Fernand Dumont soit une personnalité un peu oubliée. Il a donc essayé d’en savoir plus et de trouver des gens qui l’avaient cotôyé. Chavée était mort mais il restait Simon, Scutenaire, Mariën.

Les rencontres se sont faites de fil en aiguille. L’un l’envoyait chez l’autre. Et ce n’est pas en tant qu’élève en histoire de l’art qu’il intéressait les surréalistes, mais plutôt en tant que participant, qu’acteur. Le déclic s’est réellement fait avec eux lorsqu’il a créé sa petite maison d’édition, les Marées de la Nuit. Sur ses activités de collagiste qu’il pratiquait vraiment depuis l’âge de 16 – 17 ans, Xavier Canonne ne dit rien. “Je faisais du collage depuis longtemps mais je ne les montrais pas. Vous êtes devant des gens qui ont connu Magritte […] Je n’ai jamais pu pousser les portes. Les rencontres, les amitiés se sont toujours faites par hasard ou par des choses qui ont été provoquées mais que je n’ai pas provoquées. Un jour, Scutenaire m’a dit “fais moi un dessin”. Mariën a rétorqué “tiens, vous dessinez ?”. Je lui ai dit que je faisais des collages. Il a demandé à les voir et a été très enthousiaste. Enthousiaste au point de réaliser un livre avec mes collages intitulé “Le chemin creux”. Donc, à l’inverse, au lieu que j’écrive moi-même des textes pour ses collages, c’est lui qui écrivait des textes pour les miens. Je tombais des nues. Les choses se sont faites comme cela. Je suis tombé sur un fil. Ce fil, je me suis aperçu que c’était, à l’époque, des gens pas trop sollicités, très accessibles et surtout très humains et avec lesquels j’ai eu la chance que cela se soit bien passé. Alors voilà, c’est un peu ça cette histoire du surréalisme. Et pour moi, c’était plus des personnes que des surréalistes. Ces hommes m’ont formé plus que l’école.”

Une expérience rare

Comme vous l’aurez compris, contempler les collages de Xavier Canonne est une opportunité. Il ne cherche pas à exposer. À chaque fois qu’il a montré ses collages, ce n’est pas lui qui en a été l’instigateur, on est venu le chercher. Il aime l’idée de ne pas être un artiste au sens “de ne pas faire un métier de ce que l’on fait. Pour ne pas tomber dans le piège de la production ou de la nécessité de le faire. […] Dans le surréalisme il y a une attitude, une forme de morale que l’on oublie et qui pourtant existe. Une morale de mousquetaire : le fait de ne pas accepter tout, de se contenter de ce qui est donné, d’essayer de ne pas faire de compromission, en tous les cas de ne pas s’abaisser à des choses pour une réussite illusoire car nous sommes de toute façon mortels.”

La nuit de noces, 2014 © Xavier Canonne

La nuit de noces, 2014 – Xavier Canonne

Ses sujets de prédilection, la femme, la religion catholique, la sexualité…  ne laissent pas indifférents. Moi, ils m’ont fait sourire et, dans cette époque où un certain puritanisme revient en force, ses collages m’ont fait du bien ! Et comme le dit Leslie “Xavier parle beaucoup des autres mais très peu de lui, il nous donne une belle opportunité de découvrir une sélection des centaines de collages qu’il réalise au quotidien.”

 


“Entretemps” – Xavier Canonne
chez Brock’N’Roll
 >  20 septembre 2018
Rue Hamoir 33 à La Louvière
www.brocknroll.be
Facebook/brocknroll – Instagram/brocknrollshop


Nous avons craqué

pour le fanzine réalisé pour l’exposition “Entretemps” par Gwénaëlle L’Hoste sur une idée de Leslie Leoni.

Selon le principe des vignettes Panini, on colle à notre tour les collages de Xavier Canonne. Pour continuer à entrer dans son oeuvre de manière ludique…