3 expos à voir dans un seul lieu :
le Musée de la Photographie de Charleroi
D’habitude, il y a toujours une exposition qui nous touche plus que l’autre dans les propositions faites par le Musée de la photo. Ici, impossible de faire un choix. Trois univers totalement différents, mais on passe de l’un à l’autre avec bonheur.
On débute avec les images de Jeanloup Sieff dont l’oeuvre n’a jamais connu une exposition d’importance en Belgique. Le Musée de la Photographie a remedié à cela en proposant une sélection des photographies les plus emblématiques du photographe provenant des archives de celui-ci et des collections du Musées.
Jeanloup Sieff, les années lumières
On retrouve dans cette exposition qui lui est dédiée, ses images, élégantes et légères, classiques et sensuelles. Réalisées principalement pour de prestigieuses revues de mode telles Harper’s Bazaar, Elle, Vogue ou British Mode, ses photographies s’émancipent pourtant de la commande par l’originalité des cadrages, la densité des impressions et le choix du grand angle qui les rend immédiatement reconnaissables. Car il y a bien un style Sieff. Le photographe épure sa photographie en conservant les lignes maîtresses, les coulant dans des noirs profonds.
On peut aussi admirer ses célèbres portraits d’acteurs et de réalisateurs car n’oublions pas, Jeanloup Sieff était depuis l’enfance amoureux de cinéma.
Ensuite, nous sommes surpris. Au milieu de ces mannequins aux longues jambes, parfois dévêtues, trônent des photographies de squelettes prises dans les Catacombes des Capucins à Palerme dans les années quatre-vingts et ce texte : “Pendant longtemps, j’avais regardé passer les jolies filles dans la rue, m’interrogeant sur la forme de leurs seins, la rondeur de leurs fesses…
Aujourd’hui je les imagine souvent en squelettes, je cherche la tête de mort qui sommeille sous leurs cheveux et qui attend, patiente, le moment d’apparaître dans l’obscurité d’une tombe. Tous les cimetières sont emplis de passantes aux longues jambes qui faisaient se retourner les hommes assis aux terrasses de cafés des années 30″. CQFD.
Autre pièce, autre univers. Ce que l’on sait moins, c’est que le reporter indépendant, un temps membre de l’agence Magnum, a reçu en 1959 le Prix Niépce pour son reportage sur le Borinage. Réalisé au début de sa carrière de photographe, Christelle Rousseau, Conservatrice au Musée de la Photographie nous explique “La situation est grave en 1959, et plus encore dans le Borinage que dans les autres régions minières de la Belgique ; la vie du Borain est depuis longtemps marquée par des conditions d’existence et de travail précaires : la colère gronde plus fort qu’ailleurs. Envoyé, avec Frank Horvat, par le mensuel d’actualités Réalités, Jeanloup Sieff arrive donc en cette contrée aussi meurtrie qu’elle est peuplée d’êtres généreux, un matin où le soleil se dispute au brouillard tenace. Il tourne son objectif vers les paysages où se découpent terrils et châssis à mollettes comme vers les mineurs aux gueules noires et leur cadres de vie, leurs familles, il capte instinctivement tout ce qui fait l’essence même de cette région aux portes de la France”.
On regretterait presque qu’après cela il ait abandonné le reportage même si, comme le souligne judicieusement Xavier Canonne, Directeur du Musée de la Photographie, “L’oeuvre de Jeanloup Sieff mérite aujourd’hui une relecture : sans en avoir eu l’air, avec une désinvolture d’apparence qui était sa pudeur, Sieff aura été de ceux qui firent glisser la photographie de commande – la photographie commerciale prétendront certains – vers l’oeuvre d’art, perçue à présent dans sa perfection technique comme le parfum d’une époque, celle des “Trente Glorieuses” que regrettent aujourd’hui ceux qui n’y eurent pas leurs vingt ans.”
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