En été, pas de romance pour Yuyine mais de la lecture passionnante autour d’un thème les souffrances des femmes
Comme chaque année, les mois d’été ne sont pas spécialement orientés pour moi vers les lectures légères et encore moins vers les romances. Aussi je ne vous conseillerai pas ici des lectures dites « de plage » mais plutôt des lectures aux sujets forts qui sont si essentiels qu’elles peuvent être lues à tout moment de l’année.
Mes meilleures lectures du mois de juillet se sont orientées autour d’une thématique : les souffrances des femmes. Je vous propose donc ce découvrir un témoignage intime sur l’IVG en bande dessinée, un roman historique durant les guerres de religion françaises avec des femmes fortes au cœur de l’intrigue ou bien encore le récit d’une ancienne esclave sexuelle coréenne pendant la Seconde Guerre Mondiale sous la forme d’un roman graphique. Et croyez-moi, loin d’être déprimantes, ces trois lectures sont pleine de lumière et passionnantes.
Il fallait que je vous le dise d’Aude Mermilliod
(avec une préface de Martin Winckler) paru chez Casterman
Parler de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) reste aujourd’hui tabou, parler des souffrances des femmes y ayant recours l’est encore plus. Aude Mermilliod brise ce silence en témoignant, dans cette bande-dessinée, de sa propre histoire. Elle nous confie son choix, les douleurs physiques et souffrances psychologiques de l’acte lui-même, et surtout celles de l’après. Elle nous parle d’un deuil qui n’a pas le droit d’en être un et du silence qui entoure ces femmes. Un témoignage intime aux couleurs réconfortantes qui éclaire l’acte de l’IVG et rappelle qu’il n’est pas anodin et que toutes les femmes qui y ont recours le font, certes, par choix mais méritent malgré tout un soutien. Elle raconte également en seconde partie l’histoire de Martin Winckler, jeune médecin qui lutta à l’époque de Simone Veil pour ce droit et qui a fini par exercer dans un centre IVG. Son histoire éclaire les pratiques et le tabou qui existe au sein du monde médical. C’est une bande-dessinée essentielle pour le sujet qu’elle aborde et les préjugés qu’elle brise mais c’est aussi une lecture très agréable à parcourir pour son visuel soigné et le sentiment de cocon apaisant que la colorisation offre.
Royaume de vents et de colère de Jean-Laurent del Socorro
paru chez Actu SF dans la collection Les Trois souhaits
Nous sommes en 1596, les guerres de religion ont ravagé la France et Marseille s’est déclarée comme République indépendante ce qui ne plaît pas au roi Henri IV dont les troupes sont aux portes de la ville. Durant un court laps de temps, au cœur de l’auberge de La roue de la fortune dans Marseille, différents personnages vont voir leur destin s’entremêler dont un chevalier qui dû se convertir au catholicisme pour éviter la mort, une tenancière ancienne capitaine d’une troupe de mercenaires, une vieille femme semeuse de mort ou encore un étrange couple de mages en fuite. C’est avec brio que l’auteur parvient à nous immerger dans l’Histoire à travers des histoires humaines fortes, prônant de belles valeurs et abordant des sujets complexes mais essentiels allant du droit des femmes en passant par les violences envers les enfants. L’écriture est magistrale, l’intrigue est passionnante et les personnages inoubliables. Une petite touche de fantastique vient alimenter l’intrigue sans pour autant dénaturer les faits historiques et ne dérangera pas ceux que l’imaginaire effraie. Ce premier roman est un vrai petit bijou.
Les Mauvaises herbes de Keum Suk Gendry-Kim
(traduction de l’autrice et de Loïc Henry)
paru chez Delcourt dans la collection Encrages
Dans ce roman graphique, l’autrice coréenne Keum Suk Gendry-Kim relate le témoignage réel d’Oksun, ancienne esclave sexuelle coréenne pour l’armée japonaise durant la Seconde Guerre Mondiale. Elle évoque tout d’abord son enfance, la période la plus atroce au sein des bordels militaires en Chine, mais aussi l’après, tout aussi difficile quand il est impossible de rentrer chez soi et que notre vie a été anéantie ainsi que celle de notre famille. Bouleversante, la vie d’Oksun est aussi pleine de lumière tant cette femme courageuse parvient à maintenir son sens de l’humour malgré les épreuves. Et si le sujet est évidemment très dur, il est relaté avec beaucoup de respect et de pudeur, n’illustrant jamais directement les passages les plus sensibles. C’est très beau et très puissant et c’est à lire absolument pour que l’histoire d’Oksun et des 200 000 autres femmes victimes ne tombe pas dans l’oubli.
Chaque mois, Yuyine partage avec les lecteurs de dKLIKK ses plus belles lectures.
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