Ils m’ont retiré un morceau !
J’étais fière de dire à qui voulait bien m’écouter que j’étais toujours « entière » : amygdales et appendice étaient toujours au bon endroit.
Tout juste concédais-je l’arrache des 4 dents de sagesses histoire de conserver l’alignement quasi parfait de mes petites quenottes.
Depuis la cinquantaine j’ai vu arriver son lot de désagréments de tout genre, et notamment (et parce que c’est ce qui est le plus confortable d’évoquer ici), de l’acidité gastrique !
Mon médecin et surtout moi, décidons de faire un bilan général de mi-parcours. Il va tout faire vérifier. Tout. Les premiers examens s’avèrent tout à fait satisfaisants pour ne pas dire bons. Rien à signaler.
Et puis, pour terminer, j’attaque la bidoche et la tuyauterie : je prends rendez-vous pour une gastroscopie, une scanner de l’abdomen et une enfin coloscopie. Dans le désordre.
Le scanner révèle 3 calculs à la vésicule biliaire !
Le médecin me pose un tas de questions, auxquelles je réponds par la négative : non, je ne le savais pas, non, je n’ai jamais eu mal et oui, parfois, j’ai la nausée (ce à quoi elle me dit que cela n’a rien à voir).
L’info qu’elle me donne me fait froid dans le dos : le jour où vous ressentez une vive douleur à droite, foncez aux urgences ! Et dites leurs que vous avez des calculs biliaires.
“Mais à quoi est-ce dû ?”
“Les calculs de la vésicule biliaire sont plus fréquents chez les femmes et chez les personnes âgées” me dit-elle, “ainsi que chez les personnes ayant un surplus de poids”. Je ne vais pas vous préciser où je me situe…
L’avant dernier examen m’a aussi valu un certain, comment dire, inconfort. La coloscopie.
Rien que parce que cela se fait par les voies naturelles, j’opte pour un examen sous anesthésie générale. Je ne veux pas savoir de manière empirique comment cela se pratique, tout ce qui m’importe, c’est le résultat. Déjà que lors du tout premier r.d.v, je me suis vue pratiquer un toucher rectal !! Je ne m’en suis toujours pas remise…
Après une folle soirée pendant laquelle j’ai dû me nettoyer les intestins à grandes gorgées de mixtures à peine buvables me voici à l’hôpital, les intestins tous propres. Le joli tablier ouvert dans le dos, un petit Xanax pour me détendre et je suis transportée sur le lit d’hôpital jusqu’au couloir des salles d’opération où on me demande de patienter.
Là, je croise un monsieur qui arrive en manteau, col relevé, élégant, l’air affable, très bel homme, la peau mate il me salue et me fait un large sourire. « Bonjour Monsieur »
Une infirmière vient me chercher, je reconnais mon médecin, celui du toucher rectal, ça me rassure, 3 jeunes infirmières qui préparent instruments et caméra et … le monsieur du couloir qui a enfilé sa blouse blanche et qui se présente : il sera mon anesthésiste durant tout l’intervention.
Seigneur… faut-il que l’on soit présenté par le séant ? Vraiment ?
Il s’installe derrière ma tête, m’explique qu’il va déposer un masque et me demande de compter à rebours depuis 10… je me souviens avoir compté jusqu’à 7.
Photo © Austrian National Library on Unsplash
Je me réveille dans le couloir où une infirmière me demande si j’ai fait des gaz.
Moi : “Comment ? je n’ai pas bien compris…” et là retenti un pet que je n’ai pas senti venir et donc pas pu retenir! Je ne sais plus où me mettre.
L’infirmière : Ça, me répond-elle. Maintenant je vais vous conduire à votre chambre où le médecin m’annonce que tout va bien, qu’il n’a rien vu du tout et qu’il a quand même pratiqué une biopsie juste pour que je sois complètement rassurée.
Ouf.
Arrive enfin la gastroscopie, je lis un peu la littérature : un examen d’une quinzaine de minutes pratiqué sous anesthésie locale. Je décide l’y aller franco. Pourtant j’avais été mise en garde, mais non, je ne vais pas me faire anesthésier une deuxième fois pour un examen si rapide !
J’aurais dû.
C’est toujours le même médecin qui pratique : il fait le haut, il fait le bas. Il peut dire qu’il me connaît bien maintenant. Et intimement même.
Là, pas de lit d’hôpital, une salle d’examen au rez-de-chaussée, un petit Xanax tout de même pour me détendre (je commence à vraiment aimer les Xanax !), un spray dans la gorge, et le même balai des infirmières qui préparent les instruments. Un grand bavoir et je suis installée, sur le côté.
Elles m’intubent.
Quelle horreur !
Le reflex fait que je tente d’expulser ce tuyau qui me semble énorme de l’intérieur
Elles et le médecin en cœur : Mais madame, il faut avaler… avalez madame !
Moi : des spasmes, des spasmes, des spasmes… (J’aurais dû demander une anesthésie générale)
« ça » fini par passer ! Je bave comme une limace échouée sur le flan.
Là aussi, petit prélèvement, j’ai l’impression qu’il me déchire le bide !
J’aurais vraiment dû demander une anesthésie.
Voilà, c’est terminé me dit le médecin, les infirmières font remonter tout l’appareil. Je comprends mieux le bavoir maintenant. Il est trempé.
Tous ces examens s’annoncent bons, hormis les 3 calculs, rien à signaler. Je suis contente. Je me dis que j’irai consulter afin de faire retirer ces pierres avant la fameuse crise que beaucoup m’annonce terrible. Et je reprends le cours normal de ma vie… j’oublie presque qu’elles existent.
Un jour j’irai chez le médecin, un jour.
Et puis arrive le 15 aout. Et la première crise. Horrible, je suis pliée en deux, j’ai le souffle coupé, j’ai l’impression de mon cœur se déchire. Mon amoureux me conduit aux urgences, ça fait horriblement mal, je n’en peux plus. Là, je suis installée dans une salle d’examens, j’explique un peu, l’urgentiste me mets sous perfusion. Ça passe. Je reparle des calculs biliaires mais il me dit que comme les douleurs sont passées avec la perfusion je peux rentrer à la maison. Super !
Bon, c’est décidé, lundi, je vais voir mon médecin et nous allons mettre tout en route pour qu’on me retire ces fichues pierres.
C’était sans compter sur la volonté de ces saletés de me faire vivre un véritable enfer bis.
Fin de semaine, je vais voir la rédac chef, on doit travailler un sujet, c’est la mi-août, il fait beau, la journée se passe bien, je ne suis pas en grande forme, mais ça va aller.
Et tout se passe bien, jusqu’après le repas, pourtant léger.
Bis repetita : douleur fulgurante à droite, souffle coupé, je suffoque.
Je veux renter chez moi. Mon amoureux refuse de prendre la route : 50 minutes assise dans une voiture dans cet état, ce n’est pas envisageable.
Ils décident de m’emmener à l’hôpital le plus proche. Je me dis que ce sera comme l’autre jour : perfusion, et hop à la maison.
Sauf qu’à Bruxelles, le médecin des urgences refuse de me laisser partir !
Après plusieurs heures sous perfusion, la douleur diminue à peine. Mais je veux me faire opérer dans ma région. Pas ici.
Déontologiquement, il ne peut pas me laisser sortir dans cet état. Ces pierres sont à retirer au plus vite.
Mais ça ne va pas être possible docteur :
1) je n’habite pas Bruxelles
2) je n’ai pas prévu d’être hospitalisée
3) j’ai des chats à la maison.
4) (pour moi même : je ne suis pas épilée !)
Il ne veut rien entendre. Il va retirer ces pierres !
Mais non !
Mais si ma petite madame…
Il me dit : « Monsieur va aller chercher votre nécessaire et s’occuper des chats, et moi, je m’occupe de votre vésicule. »
Et là, recommence un balai que je connais presque par cœur : le tablier ouvert dans le dos, les bas de contentions, j’attends l’anesthésiste, on m’emmène au bloc, mon amoureux m’accompagne un bout de chemin. C’est comme dans les films : les néons défilent au-dessus de ma tête, je suis hyper anxieuse, j’ai peur de ne pas me réveiller, ce n’était pas prévu surtout !
Et puis plus rien.
Je me réveille dans une salle immense, froide, j’ai des fils qui sortent de partout, j’entends des bip bip dans tous les sens. Il y a un infirmier qui est assis à côté de moi et qui surveille un écran « ça va madame ? »
j’ai mal.
Photo © Sharon McCutcheon on Unsplash
Il me repose cette même question à intervalles réguliers.
Je me demande ce qu’il ne comprend pas dans cette simple phrase : « j’ai mal »? !
Il injecte un produit dans la perfusion. Au bout d’un moment ça va mieux.
Je reste là un long moment. Il fait froid. Je suis la dernière à sortir de cette salle de réveil.
Arrivée dans ma chambre, l’infirmière installe une pompe à morphine.
Avec le Xanax, voilà, un truc que je kiffe à fond désormais. Je vais finir accro si ça continue.
Ce jour-là je dois avoir dormi à peu près 20 heures.
Je sais que mon amoureux est venu. C’était comme dans un nuage.
Je n’ai plus mal, mais j’ai la sensation d’être fourbue. Mon amoureux repart et je m’endors.
Le lendemain matin, l’anesthésiste vient me voir : tout s’est bien passé. Il s’inquiète de la douleur. Après lui, c’est le chirurgien avec le même discours encourageant. On se revoit demain me dit-il.
L’infirmière change les pansements : j’ai le ventre agrafé de tous les côtés! Ce ne sont pas des fils de sutures, ce sont des agrafes métalliques. Et ça, curieusement ça fait mal.
Le lendemain, le chirurgien signe ma sortie de l’hôpital.
2 jours et me voilà avec un organe en moins. Parce que cette vésicule c’est bel et bien un organe. On peut très bien vivre sans me dit-on.
Ok, en même temps, je n’ai plus vraiment le choix.
10 jours de convalescence avec ces foutues agrafes qui me font un mal de chien et je reprends vraiment le cours de ma vie.
Je n‘ai pas de précaution à prendre mais tout au long de la convalescence et surtout après, je me rends compte que je n’apprécie plus le café que je prenais presque par perfusion parfois. Que le vin blanc ne passe plus. Et le champagne non plus.
Mazette, mais qu’est-ce qu’ils m’ont fait ??
Un an et demi est passé depuis cette ablation, tout est rentré dans l’ordre. Sauf que maintenant j’ai un radar à mauvais vin intégré… Dès qu’il n’est pas bon, j’ai le brulant immédiatement !
En revanche, je nourris une obsession : comme mon foie n’a plus son organe binome, je le protège. Je fais attention à ce que je lui inflige, parce que là, pour le coup, lui et moi nous vivons sans filet !