Confinement et égalité
Mars a été un mois un peu particulier pour tout le monde et j’ose espérer que tout va pour le mieux pour vous tous et pour vos proches. N’oubliez pas de prendre soin de vous et de prendre soin des autres aussi. Mais mars c’est aussi le mois où à lieu la Journée internationale de lutte pour les droits de femmes. Et dans ce sens, mes lectures de mars étaient toutes écrites et illustrées par des femmes et les trois meilleures que je souhaite vous présenter prônent toutes l’égalité de toute l’humanité. Alors suivez-moi à la rencontre de ces femmes exceptionnelles qu’elles soient au coeur de l’espace, à travers notre histoire ou bien encore dans une société futuriste un brin utopique…
L’incivilité des fantômes de Rivers Solomon
(traduction de Francis Guévremont)
paru aux éditions Aux forges de Vulcain
Rivers Solomon est une autrice non-binaire noire américaine qui signe ici un premier roman récompensé et salué par la critique. L’incivilité des fantômes se déroule au coeur d’un vaisseau spatial abritant les descendants des derniers terriens en quête d’une nouvelle planète. Générations nées dans le vaisseau Mathilda, les protagonistes de ce roman ne connaissent rien de la vie sur Terre et vivent au coeur d’une société très contrastée et ségrégationniste entre les gens au pouvoir, blancs, qui vivent dans l’opulence, et les noirs, contrôlés, méprisés et contraints de travailler aux champs. Réflexion puissante sur le patriarcat, le racisme et le rejet de toutes les différences (homosexualité, transgenre, etc.), ce roman est une claque monumentale. Porté par une héroïne exceptionnelle non-binaire et autistique comme son autrice, le roman nous emporte du début à la fin dans un florilège d’émotions fortes. L’intrigue est si palpitante qu’il est difficile de décrocher des pages. Une vraie réussite!
Culottées: des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent
de Pénélope Bagieu paru en deux tomes
ou en intégrale chez Gallimard BD
Pénélope Bagieu signe, au travers de deux bande-dessinées, 30 portraits de femmes ayant réellement existé et qui, malgré leurs différence (de culture, d’époque, de rêve, etc.) ont toutes pour point commun d’avoir pris les rênes de leur vie et d’avoir fait ce qu’elles voulaient. Destins tantôt terrible, tantôt plus guilleret, ces portraits sont autant des modèles malheureusement méconnus que l’autrice nous donne à découvrir au travers de petites tranches de vie savoureusement écrites et illustrées. On s’amuse beaucoup du ton pince-sans-rire et volontairement piquant de Pénélope Bagieu qui en profite évidemment pour pointer du doigt les travers des sociétés patriarcales. Ces bande-dessinées sont un véritable réconfort et un booster pour la confiance en soi. Et si vous avez envie de les découvrir autrement qu’en livre, une version animée pour France 5 existe également, et c’est très bien fait.
Chroniques du pays des mères d’Elisabeth Vonarburg,
Mnémos
Grand classique de la littérature de science-fiction féministe, Chroniques du pays des mères a été publié à nouveau l’an dernier avec une préface savoureuse de Jeanne-A Debats mais date initialement de 1992. On y suit Lisbeï de sa plus tendre enfance à sa fin de vie au coeur d’une société majoritairement féminine, les hommes étant peu nombreux à naître à cause d’une forme de maladie. La jeune Lisbeï nous donne à découvrir un univers qu’elle va parcourir tout au long de son existence, mais surtout elle nous ouvre à de nombreuses réflexions sur ce qui fait une société, le questionnement des croyances, de la notion de liberté et bien sûr, de l’égalité entre les sexes. Le roman est dense, les actions peu nombreuses, mais l’enseignement à en retirer est très riche. Utilisant un vocabulaire volontairement féminisé, adapté à la prédominance des femmes, l’autrice nous donne aussi à voir le poids des mots et le pouvoir du langage dans les questions de domination. C’est brillant!
Les lectures de Yuyine de février
Toute cette histoire de virus nous a un peu chamboulé la tête à la rédaction et nous avons fait l’impasse sur les meilleures lectures de Yuyine de février. On se rattrape ! Ce n’est pas comme si on pouvait sortir faire la fête demain… donc les idées de nouvelles lectures sont les bienvenues. Voici les petits conseils de Yuyine pour vous aider. Dans les 3 choix de février, il y en a pour tous les goûts: de la BD pleine d’amour, un récit imaginaire humaniste et tendre et un roman noir acide et critique sur notre monde moderne. Nous avons un mot à dire, restez chez vous et profitez du temps donné pour lire ou faire tout ce dont vous avez envie !
Edelweiss de Cédric Mayen et illustrée par Lucy Mazel
parue chez Glénat dans la collection Vents d’ouest
C’est en 1947, lors d’un bal populaire, qu’Edmond et Olympe se rencontrent. Olympe est une jeune femme qui rêve d’indépendance, crée ses propres vêtements et est passionnée d’alpinisme. Son rêve: atteindre le sommet du Mont Blanc comme sa grand-mère Henriette d’Angeville, première femme à avoir gravit cette montagne. Edmond se promet de l’aider à le réaliser et ce malgré les nombreux obstacles et tracas de la vie quotidienne qui vont se mettre en travers de leur chemin. Edelweiss est une bande-dessinée magnifique qui relate une histoire d’amour touchante et belle au coeur d’une période passionnante à découvrir. Les dessins de Lucy Mazel sont somptueux et se mêlent avec brio à l’histoire de Cédric Mayen pour créer une oeuvre bouleversante et engagée.
Les miracles du bazar Namiya de Keigo Higashino
(traduction par Sophie Refle)
paru chez Actes Sud dans la collection Exofictions
Trois jeunes japonais qui viennent de réaliser un cambriolage entrent dans un magasin abandonné depuis plusieurs dizaines d’années pour s’abriter la nuit et échapper ainsi aux soupçons des autorités. C’est alors qu’une lettre est glissée dans le rideau de fer du magasin, une lettre qui demande conseil et qui semble dater d’une autre époque où le bazar répondait aux conseils des gens la nuit… Cette histoire avec une petite touche fantastique est un récit touchant, profondément humaniste et intelligemment construit qui prône l’ouverture aux autres comme source du bonheur. Assemblage ingénieux de plusieurs micro-récits autour du bazar Namiya, c’est un roman captivant et original qui nous transporte sans peine dans son imaginaire. On se sent si bien à la lecture de cette histoire bienveillante, que l’on craint de quitter ses pages.
Ce qui nous tue de Tom McAllister
(traduction par Anne Le Bot)
paru chez Le Cherche-Midi dans la collection Ailleurs
Dans la ville tranquille de Seldom Falls, un étudiant entre armé dans son école et crée un véritable massacre: 19 morts, 45 blessés. Anna, professeure de français virée récemment pour insubordination est désignée coupable par les médias qui jettent en pâture sa vie privée au grand public alors qu’elle est parfaitement innocente. Pour elle, comme pour le reste de la ville, rien ne sera plus comme avant. La peur est entrée dans les esprits, les politiques parlent d’armer les professeurs et les étudiants, les étrangers sont regardé différemment… Tom McAllister nous offre un roman percutant qui critique de façon virulente et satirique ce monde moderne qui devient fou. Que ce soit l’appel à la haine, l’utilisation des politiques de la peur ou encore la restriction des libertés personnelles au profit du maintien de l’ordre, l’auteur dissèque une société à la dérive avec un style efficace qui nous pousse dans nos retranchements. Parfois dérangeant, mais indéniablement puissant, Ce qui nous tue va marquer les esprits.
Photo couverture en Une : Cater Yang on Unsplash
Chaque mois, Yuyine partage avec les lecteurs de dKLIKK ses plus belles lectures.
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